Chilo | Story
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Revenir d’Amsterdam à vélo

Revenir d’Amsterdam à vélo

des vélos stationnés contre la rambarde d'un pont à Amsterdam

Elle en avait marre de m’entendre râler.

Depuis que les Vélibs avaient déserté les rues de Paris, j’étais redevenu un usager de la ligne 4. Neuf mois que ça durait quand même !

Alors pour mon anniversaire, ma nana m’annonce : « ton cadeau aura un cadre, une selle et un guidon. Et on va aller le dénicher à Amsterdam ». Oh la belle idée. Je rebondis illico : « et si je rentrais avec à Paris par la route ? ». Banco !

Le défi se met en place

Action, réaction

Le dernier week-end de septembre est booké, j’ai trois jours devant moi. Mais renseignements pris, j’ai peu de chance de boucler les 600 kilomètres qui séparent Amsterdam de Paris dans les temps.

Tant pis, j’irai seulement aussi loin que m’emmèneront mes mollets. Ce qui m’intéresse : faire l’école buissonnière, donner des souvenirs à mon vélo et comprendre pourquoi tant de gens se lèvent le dimanche matin pour poser leur derrière sur une selle large comme un coin à fendre.

Je pourrais invoquer Henry Miller – « notre destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle façon de voir les choses. » – mais j’ai comme l’intuition que je ferais bien de garder les envolées lyriques pour plus tard.

Ça me rappelle un autre type qui se lançait des défis à la con avec des moulins – ©Eric Carpentier

Rencontre avec la bête

Dans le port d’Amsterdam

Nous atterrissons au Vondel Bicycle Parlour. Dans l’arrière-boutique, on trouve un cadre Motobécane, un pédalier à vitesse unique, deux roues noires, un guidon style cafe racer et une selle à l’imprimé « comfort » peu rassurant.

En résumé, un beau vélo pour la ville, pas forcément taillé pour la route. Peu importe, ce sera lui. Alex va me le monter dans la nuit, nous passerons récupérer le bébé le lendemain.

Son dernier conseil pour la route : « prefer train to pain » : mieux vaut finir en train que d’enchaîner les pépins. Je ne suis pas sûr d’adhérer mais j’y penserai souvent. Dimanche, 8h, j’embrasse ma belle. On se retrouve à Paris.

Voyage en classe éco – ©Eric Carpentier

Direction le Sud

Frappe la route, Jacques

Trouver la bonne position et rêver d’accrocher un lasso à la queue d’un avion. J’ai un petit sac à dos avec de l’eau, un sandwich, des graines, du chocolat, une brosse à dents et une veste de pluie, trois outils mais pas de chambre à air, un Google Maps.

Peu à peu les pistes cyclables deviennent cyclées – lui c’est Fernand, lui c’est Firmin, lui c’est Francis… – et les canaux se rident sous le rythme apaisant des avirons – elle, c’est Paulette. L’ébrouement est généralisé, la balade dominicale ensoleillée. Quatre heures et 70 kilomètres défilent l’air de rien.

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140 bornes pour se mettre en jambe

J’ai beau être matinal, j’ai mal

« Quand tu seras arrivé, tu seras un cycliste » me dit Jan. Ses encouragements, la demi-heure roulée ensemble et les deux bières éclusées au km 120 réchauffent un après-midi jusque là ponctué de cliquetis douteux, de zones industrielles, et de vent dans les dents.

Il me reste alors 20 bornes avant l’étape visée. Les nuages menaçants dans mon dos me les font avaler cul sec, perché sur mon guidon en mode Louison Bobet. La pluie se met à tomber à l’instant même où je pénètre dans l’hôtel-café-restaurant de Boekanier à Vrouwenpolder.

Devant un plat de pâtes bolo, je médite vaguement sur la manière dont le mental influence le physique.

Retour au pays

C’était moins une

Le lendemain, le ferry entre Vlissingen et Breskens est une parenthèse appréciée : les fesses sont en feu et les mollets en vrac. La Belgique me sépare de Lille, ma ville natale, où un pote m’attend « avec une bière et une chambre à air ». Un digne objectif, propre à faire oublier la progressive disparition des pistes cyclables au profit de bandes peintes le long de départementales un peu trop passantes à mon goût.

Bienvenue chez les Belges : ici, le douanier sert des pintes – ©Eric Carpentier

J’affine le trajet pour louvoyer à travers les plus petites routes possibles et tente de ne pas penser à mon corps en chantant faux. J’atteins enfin la frontière matérialisée côté belge par un tabac aux néons clignotants. Une demi-heure plus tard, je sonne chez mon buddy : à l’issue de ces 127 kilomètres qui n’en finissaient plus, je transpire la reconnaissance quand il me tend une Saison Dupont parfaitement fraîche.

C’est mon ultime bafouille

Cambrai, c’est fini

Il paraît que le troisième jour est toujours le plus difficile. C’est particulièrement vrai quand tu as bien mangé, bien bu, bien dormi et qu’un crachin bien de chez toi t’attend dehors. Un paysan me pose une question qui restera sans réponse : « vous faites du vélo sous la pluie ? » Apparemment oui, et sur les pavés en plus.

Aïe. Ouille. Aïe. – ©Eric Carpentier

Je ne sais pas exactement où je vais, mais j’y vais. Par des chemins de forêts en faisant crisser les faînes de hêtres ou par les premières collines sans possibilité de changer de braquet. Et finis par arriver à Cambrai, qui m’apparaît comme un beau terminus pour cette petite bêtise cyclopédique, une escapade qui aura chamboulé mon quotidien pendant 72 heures.

Le TER part dans 15 minutes. C’est parfait : juste le temps de m’enfiler un Paris-Brest. J’aime le vélo.

Finies les conneries, on rentre à la maison – ©Eric Carpentier

Borne aux questions

  • C’est où ? Amsterdam – Cambrai, 141 + 127 + 81 = 349 kilomètres
  • Comment y aller ? Le bus de nuit pour Amsterdam coûte 15 euros. Plus d’excuses.
  • Comment s’équiper ? Un vélo (c’est mieux), un cuissard rembourré (indispensable), des gants, un livre pour penser à autre chose. Un kit de réparation peut probablement être utile.
  • De qui s’inspirer ? De tous les conquérants de l’inutile.

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